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Mes Atmosphères
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12 mars 2009

J'ai rencontré un arbre

J’étais surmené. Très surmené ces derniers temps. Le boulot, les soucis, l’amour et toutes ces petites choses qui tentent de faire dévier votre raison. J’avais besoin de changements, de couleurs, de chants d’oiseaux et surtout d’un bon bol d’air. J’ai donc décidé de sortir un peu pour me changer les idées en espérant qu’il se passe quelque chose dehors. Même quelque chose de dramatique ; je m’en foutais, je voulais juste casser la routine. Je me suis dirigé vers le cimetière, le vent était fort et faisait flancher les peupliers le long de la route asphaltée. J’avais dans l’idée d’emprunter un petit sentier bien caché, que j’avais découvert lors d’une de mes pérégrinations passées. Comme prévu ce chemin était désert et j’ai pu m’y engager sans crainte de rencontrer un opportun susceptible de me regarder de travers comme le font la plupart des gens. Ce sentier était long et tantôt bordé de hautes palissades, tantôt ouvert sur la campagne avoisinante.

Je commençais à aller mieux. J’ai marché un bon moment et je me sentais libre. Mais quelque chose est arrivé, quelque chose que je n’avais pas prévu. Ça n’aurait pas dû être là. Je ne me souvenais pas que ça ait été là avant. C’était tout simplement impossible que ça soit apparu comme ça en moins d’un mois. Soudainement, à vingt mètres de moi et en plein milieu du sentier, un arbre gigantesque me barrait la route. Je me suis approché lentement en étant tout d’abord intrigué. J’avais l’impression d’être dans une autre dimension tellement la présence même de cet arbre me paraissait surréaliste. Je ne comprenais pas et ça commençait à m’énerver. Quel était cette chose sortie de nulle part qui m’empêchait de poursuivre ma promenade et de surcroit m’empêchait de me sentir enfin bien ? Je ne pouvais tolérer me laisser battre par un végétal à l’air dédaigneux.

Je pris alors la décision de forcer le passage. D’un pas de course je suis rentré chez moi et j’ai saisi ma tronçonneuse. Désormais armé je suis retourné dans le sentier derrière le cimetière bien décidé à abattre l’arbre et à poursuivre mon élan de liberté. Je l’ai donc retrouvé mais fait étrange, j’avais l’impression qu’il s’était avancé davantage vers l’entrée de la piste. Qu’importe, bientôt ce vivant pilier ne sera plus. J’ai enclenché ma tronçonneuse et je me suis approché doucement. Soudain, alors que ma chaine n’était plus qu’à quelques centimètres de son tronc, l’arbre se mit à vibrer et un grand craquement couvrant le bruit de ma machine se fit entendre. J’ai été tellement surpris que j’ai fais deux pas en arrière. A ce moment, j’ai vu sur l’écorce de l’arbre se former une sorte de coulée à environ deux mètres de hauteur. C’était de la sève qui jaillissait de plus en plus abondamment. Lorsque la coulée est arrivée à ma hauteur, j’ai vu se refléter mon visage à sa surface lisse. Ce que j’ai vu, je le confesse était abominable et terrifiant. J’ai eu à ce moment la vision d’un regard sans âme, un regard empli de haine et de désespoir. Je me suis vu moi, planté là face à cet arbre avec une tronçonneuse à la main, incapable de distinguer la réalité de la folie.

Mais bon sang ! Qu’étais-je devenu ? De quel droit pouvais-je m’accaparer la vie de cet être qui gênait ma route ? Soudain la vérité m’est apparue dans les entrailles de cet arbre. C’était moi qui dérangeais. C’était moi qui lui barrais la route. Je m’étais trouvé sur son chemin alors qu’il ne l’avait pas prévu. Aucun humain ne devrait être là lorsque les arbres bougent. C’était une erreur et je sentis dans le sol ses racines qui tremblaient. Confus et désorienté, j’ai fais marche arrière et je suis rentré chez moi les larmes aux yeux à la façon de cet arbre apeuré. Je me suis alors fais la promesse avec le peu d’humanité qu’il me restait que jamais plus je ne lèverai la main sur un arbre. Il s’était bel et bien passé quelque chose…


Sentier

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Commentaires
K
Surréaliste, mon ptit Strangsmala, et pourtant, si nous pensions tous de cette manière, si nous avions un peu plus d'empathie, peut-être que nous n'aurions pas fait autant d'erreurs envers celle qui nous donne tout ce que nous sommes... Merci pour ce texte absolument magnifique, t'es pas mon frère goupil pour rien ;) Bisous tout pleins!
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